Le bois vierge éveille,
de sa langue sonore chante, tout frémissant, la chanson de
l'Aurore. Vibrent les jeunes arbres, éclate la lumière qui
décore le front de l'aube printanière. Dans une gloire d'or,
semblable a un empereur le grand soleil caresse et l'oiseau et la
fleur. O sêve! O volupté! Je vois un noir taureau manger de la
pâture au bord d'un frais ruisseau, tandis que sur des feuilles
où la lumière tombe, à plein air, amoureuse, roucoule une
colombe. Là-bas, je vois la mer grisâtre et l'horizon doré par
le matin: et là-bas, le vallon: partout, la joie de vie comme un
souffle mystique; partout, l'ivresse ardente, l'haleine du
tropique. On dirait une fête suprème, un plaisir pur, sous le
regard profond de l'éternel azur.
L'aube émaille des perles
son beau péplum de rose dans les vagues d'opale qui font
l'apothéose. On voit la plaine verte dans una rêverie comme le
champ de riz d'une chinoiserie. C'est l'heure de l'Orient et du
doux crépuscule, l'heure du papillon et de la libellule, et du
nid qui gazouille, et des petits enfants. Les prés ont des
sourires et des cris triomphants. On voit, sur les collines
pittoresques, sauvages, comme des cygnes blancs, les humides
nuages, Partout la vie, partout la joie, partout
l'amour. Seulement dans mon coeur est triste ce beau
jour.
Hélas, ma bien aimée! L'implacable destin a
empoisonné ma coupe, a empoisonné mon vin. Je ne vois pas tes
yeux, adorable trésor; je ne voix pas ta bouche charmante, à la
voix d'or, ta chevelure blonde, ton profil séraphique, et ton
corps délicat de canéphore antique. Loin de toi, je suis triste,
et je suis solitaire; je chante ma plaintive chanson
crépusculaire. Champ fleuri! Mon printemps est plein de ma
souffrance. Maintenant, je vois l'aube! L'aube, c'es
l'espérance... | |